L’induction – déclenchement de l’accouchement

L’induction – déclenchement de l’accouchement

Selon une enquête datant d’il y a quelques années*, près de la moitié des femmes enceintes vivent une induction du travail, c’est-à-dire qu’elles voient leur travail déclenché (ou « provoqué ») artificiellement. Que se passe-t-il depuis quelque temps pour qu’il y ait autant de déclenchements? Est-il normal que la moitié des femmes aient besoin d’un coup de pouce médical pour que leur bébé daigne naître? Voici quelques explications sur l’induction, pour vous permettre de mieux comprendre le phénomène et de prendre des décisions éclairées!

Comment?

L’accouchement peut être provoqué de différentes façons :

  • Mécaniquement :
  • Sonde de Foley (souvent appelée « ballonnet »), dans le but de faire dilater le col (Le ballonnet est gonflé pour amener le col à ouvrir.)
  • Décollement des membranes (stripping) ou rupture artificielle des membranes (On perce la poche des eaux.)
  • Hormonalement :
  • Gel de prostaglandine (Cervidil), pour faire maturer le col
  • Injection d’ocytocine artificielle (Syntocinon, Pitocin)

Pourquoi?

L’induction peut être décidée pour une ou plusieurs raisons :

  • Dépassement du terme
  • Rupture spontanée des membranes sans contractions
  • Bébé considéré comme « trop gros » ou arrêt de croissance du bébé
  • Grossesse gémellaire
  • Pathologie de grossesse (toxémie, diabète, hypertension, …)
  • Convenance de la mère ou du personnel (mère « tannée » d’être enceinte, côté pratique et organisationnel de connaître la date d’accouchement, …)
  • Etc.

Les principaux motifs d’induction

Il y a lieu de se questionner sur la pertinence de quelques-uns de ces motifs. Si les conditions médicales particulières sont peu discutables, il n’en va pas de même avec chacune des raisons mentionnées par les futurs parents et même, parfois, par le personnel médical.

Macrosomie foetale

Par exemple, la macrosomie fœtale (bébé de plus de 4 kg) est souvent mentionnée : « On me prévoit un gros bébé, alors je serai déclenchée avant! ». D’abord, il faut savoir que l’évaluation du poids du fœtus est une approximation et comporte une bonne marge d’erreur; quelle surprise ont certains parents qui s’attendaient à un très gros bébé, de voir naître un poupon tout à fait dans la moyenne! De plus, la présence d’un gros bébé à elle seule n’est pas un indicateur fiable que l’accouchement sera plus difficile! En général, la nature est bien faite : si une femme porte un « gros » bébé (sans que ce soit relié à une complication quelconque), c’est qu’elle sera en mesure de le mettre au monde… Bien sûr, si on permet à la nature de faire son œuvre (par exemple en favorisant des positions qui laissent le bassin s’ouvrir suffisamment).

Rupture spontanée des membranes

En ce qui concerne la rupture spontanée des membranes sans début de travail, il est important de comprendre que l’induction n’est pas urgente (à moins de caractéristiques médicales particulières, bien sûr) si les contractions ne démarrent pas immédiatement! Plusieurs études démontrent qu’en autant qu’on surveille les signes d’infections, on peut attendre plusieurs heures, voire quelques jours avant d’intervenir ! Par contre, la recommandation de la SOGC présentement demeure l’induction systématique en cas de rupture spontanée des membranes sans début de travail associé. C’est donc une idée intéressante d’en discuter avec votre professionnel de la santé, pour savoir son avis sur la question et discuter des différentes options au cas où une telle situation se présente!

Dépassement du terme

La raison la plus invoquée pour le déclenchement est le dépassement de terme. De là, la question est importante : qu’est-ce que le dépassement de terme? Est-ce que le bébé est « en retard » dès qu’il a dépassé la DPA? N’oublions pas que cette DPA (date PRÉSUMÉE d’accouchement!) est une approximation et non la date prévue avec certitude : une grossesse normale dure entre 37 et 42 semaines… Ce qui donne énormément de jeu! Il est faux de penser que le fameux « 40 semaines » est une date de péremption : c’est plutôt une moyenne, et comme pour bien des choses, la moyenne indique une statistique, pas une norme à suivre (et encore, la durée moyenne d’une première grossesse est de 41 semaines…)! Sans compter que les erreurs de dates sont encore possibles… La DPA est une date établie selon des calculs, mais elle n’est pas toujours la date « programmée » dans les cellules du bébé…

On le voit, depuis plusieurs années, le nombre de grossesses qui dépassent 40 SA a considérablement diminué. Il est évident que l’augmentation du taux de déclenchements y est pour beaucoup. S’il a été prouvé que le fait de dépasser 42 semaines de gestation présente un risque supplémentaire (tout comme la prématurité, par exemple) et représente alors une indication pour l’induction, c’est loin d’être le cas pour toutes les grossesses qui se prolongent jusqu’à 40 ou 41 SA. Lorsque la date présumée d’accouchement est dépassée, il est bénéfique de surveiller les signes de postmaturité (hauteur utérine qui ne progresse plus, quantité de liquide amniotique qui baisse, mouvements du bébé qui diminuent…) plutôt que d’avoir recours à l’induction systématique à 41 SA, par exemple.

Même si la mère est fatiguée, alourdie et « tannée » de sa grossesse dans les dernières semaines, il serait salutaire qu’elle prenne un temps d’arrêt pour réfléchir aux besoins de son bébé. Souvent, un bébé qui reste bien au chaud à 39, 40 et 41 SA, c’est qu’il en a encore besoin! La façon d’aborder la fin de la grossesse peut avoir un grand impact sur son déroulement. D’une part, une femme qui espère vraiment à accoucher avant ou à sa date, qui a peur de la dépasser, qui est exaspérée du poids de ses dernières semaines à être enceinte, risque de trouver le temps bien plus long et de vivre ces derniers milles plus négativement. D’un autre côté, il faut voir si bébé est prêt à sortir mais que la future mère, elle, consciemment ou non, n’est pas prête à le laisser aller, qu’elle est prise de craintes ou d’appréhensions qui ont un impact sur le processus normal. Bref, lorsqu’on parle de déclenchement, l’aspect physique est à considérer, mais l’aspect psychologique n’est pas à négliger non plus! La décision d’y aller avec l’induction devrait être prise cas par cas, après l’évaluation des avantages et des inconvénients dans la situation donnée, selon l’état du bébé et de la mère!

Avantages et risques

Le déclenchement peut être nécessaire lorsqu’il s’agit de causes médicales en lien avec la santé du bébé ou de la mère. Il peut présenter l’avantage de « planifier » le côté organisationnel de l’accouchement : présence du père, garde des autres enfants, transport, présence de son médecin, etc.

Par contre, c’est une intervention qui comporte certains risques dont il est important de tenir compte et qui peuvent être reliés à la méthode employée pour déclencher :

  • Multiplie par 2 le risque de césarienne, pour un premier bébé
  • Multiplie par 5 le risque de césarienne, pour une femme ayant déjà accouché vaginalement, mais dont le col n’est pas prêt
  • Augmente, de façon générale, le risque de recours aux instruments (forceps/ventouse) ou à la césarienne
  • Augmente les risques de jaunisse chez le nouveau-né, lors de l’utilisation d’ocytocine artificielle
  • Augmente les risques d’hémorragie post-partum chez la mère, lors de l’utilisation d’ocytocine artificielle
  • Augmente les risques de souffrance fœtale, lors de l’utilisation d’ocytocine ou de prostaglandine artificielles
  • Augmente les risques d’infections, lors d’une rupture artificielle des membranes
  • Augmente les risques de procidence du cordon (le cordon qui sort avant le bébé) si celui-ci n’est pas engagé, lors d’une rupture artificielle des membranes
  • Augmente le risque de rupture utérine, pour une femme ayant déjà subi une césarienne (pour cette raison, l’induction est souvent contre-indiquée en cas d’AVAC)
  • Pourrait augmenter le risque d’autisme chez les enfants ayant subi le déclenchement
  • Pourrait affecter physiquement et émotivement le bébé dans ses premiers jours, semaines, mois et années de vie, puisqu’il a été « bousculé » à sortir plus rapidement que ce qui était prévu dans ses gènes
  • Rend le travail plus douloureux (l’ocytocine artificielle amène des contractions plus fortes que la normale, la rupture des membranes peut rendre les contractions plus douloureuses également)
  • Augmente le nombre des autres interventions sur l’accouchement : monitoring, obligation de rester en position couchée, péridurale, etc.
  • Amène la possibilité d’un accouchement prématuré, s’il y a eu erreurs de dates
  • Etc.

Facteurs de réussite

La réussite de l’induction et son bon déroulement seront influencés par certains facteurs. Logiquement, ceux-ci sont en réalité ce qui fait que l’accouchement était imminent ou non!

  • Le déclenchement a plus de chances d’être bien réussi si la grossesse est avancée (plus de 39 SA, et encore plus au-delà de 41 SA de gestation).
  • Il est aussi plus susceptible de bien se dérouler lorsque le col est favorable (pour le savoir, on se réfère au « score de Bishop », qui évalue la maturité du col selon les paramètres suivants : dilatation, effacement, consistance, position du col et station du bébé).

Alternatives

Si parfois l’induction est nécessaire, il existe plusieurs autres cas où elle pourrait être contournée, de façon tout à fait naturelle. Voici des alternatives au déclenchement programmé :

  • Acupuncture, ostéopathie, réflexologie…
  • Homéopathie
  • Plantes médicinales
  • Relations sexuelles
  • Stimulation des mamelons
  • Patience et laisser-aller…
  • Etc!

En conclusion…

L’induction est une intervention qui a sans doute sauvé des vies depuis qu’on y a recours, mais si on regarde le taux de déclenchements de nos jours, on peut conclure qu’elle est aussi utilisée de manière « préventive », et parfois abusive, trop souvent. Si vous êtes enceinte et qu’on vous suggère une induction, vous avez le droit de demander des explications, de chercher avec le professionnel qui vous suit des alternatives et même de demander à repousser le déclenchement lorsqu’il n’y a pas d’urgence. En ayant tous les renseignements en main, vous serez en mesure de faire un choix éclairé et de vivre votre accouchement dans la confiance et la sérénité !

Karine Murphy, accompagnante à la naissance et collaboratrice précieuse du Karma Boréal

Références :

* http://www.phac-aspc.gc.ca/rhs-ssg/pdf/tab-fra.pdf
http://alternatives.be/fiches/declenchement.htm
http://www.mamancherie.ca/fr/info/Preparerplannaissance.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Accouchement
http://www.sogc.org/guidelines/public/107F-CPG-Aout2001.pdf
Isabelle Brabant, Une naissance heureuse, Les éditions Saint-Martin, Montréal, 2001.