Les droits des femmes enceintes et qui accouchent

Les droits des femmes enceintes et qui accouchent

La grossesse et la naissance sont sans contredit des moments forts dans la vie d’une femme, d’un couple. Règle générale, les futurs parents se préparent à l’arrivée de leur enfant, sont assistés par des professionnels de la santé et ont un suivi médical. La majorité des femmes et leurs partenaires donnent leur confiance au personnel qui les assiste au cours de la grossesse et de l’accouchement, mais parfois cette confiance les amène à oublier qu’ils sont tout de même les premiers acteurs concernés par la naissance de leur enfant, qu’ils ont des droits dans ces circonstances.

Comme la satisfaction ressentie envers l’accouchement et ce qui l’entoure passe bien souvent par le sentiment de contrôle qu’on y a connu, on peut se dire que de nombreuses déceptions auraient pu être évitées si tous les droits des futurs parents avaient été respectés. C’est donc pour eux une bonne idée de s’en informer et, au besoin, de les faire respecter ; après tout, c’est de LEUR bébé, de LEUR vie, de LEUR santé qu’il est question!

Voici les principaux droits de la femme enceinte et qui accouche :

  1. Le droit à l’information

    Pendant son suivi de grossesse, son accouchement et en postnatal, c’est un droit de base que la femme et son partenaire ont d’être mis au courant de toute l’information qui se rapporte à ce qu’ils vivent. On parle ici notamment des renseignements sur l’état de santé de la mère et du bébé; quand les intervenants font des tests ou posent des gestes, c’est un minimum que d’expliquer en quoi ils consistent, les informations qu’ils apportent et leur signification, en langage adapté.

    Cela concerne aussi chaque intervention, chaque médicament offert : un médecin ou une infirmière consciencieux prendra le temps d’expliquer les avantages, les risques, les limites, les conséquences de chacun et idéalement de proposer des alternatives possibles qui s’offrent dans la situation. Dans les faits, avec le surplus de tâches, le manque de temps et l’effervescence du moment, ce n’est pas toujours fait et c’est souvent plus tard qu’on se rend compte qu’il y avait d’autres possibilités, qu’il y a eu telle conséquence qu’on n’aurait pas soupçonnée, qu’on se dit « si j’avais su »… Alors, n’hésitez pas à demander les informations nécessaires, à poser des questions pour savoir toutes les options qui s’offrent à vous. Au besoin, vous avez également le droit de demander un deuxième avis sur une question médicale qui vous embête!

    Il est important de préciser que « être informé », ça ne veut pas dire qu’on ne fait pas confiance au personnel, qu’on veut contester nécessairement ou tout refuser en bloc… Au contraire! Cela permet de se sentir concerné (quand il s’agit de son corps, de son bébé, n’est-ce pas ce qu’il y a de plus normal?), de comprendre les implications qui découlent des actions posées, de garder le contrôle sur ce qui se passe. Sachant que la grossesse et l’accouchement sont, à la base, des événements physiologiques, et non des maladies, demander d’être consulté pour toute question se rapportant à la grossesse, à la naissance et au bébé implique d’abord et avant tout que ce sont les parents qui sont les premiers responsables! Et même s’ils ne sont pas des spécialistes de la médecine, de la pédiatrie et de la périnatalité, cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas le droit de vivre ces moments selon leurs valeurs, qu’ils ne peuvent pas prendre des décisions qui les impliquent, si on leur en donne la chance en leur donnant tous les éléments d’information pour le faire!

  2. Le droit de prendre part aux décisions concernant les différentes interventions suite aux informations reçues

    Une fois que les parents ont été bien renseignés, il est de leur droit de choisir ce qu’ils souhaitent ou ne souhaitent pas, en faisant un choix éclairé. Autrement dit, aucune intervention, aucun médicament ne devrait être donné sans l’accord des principaux concernés, et ils ont aussi le droit de refuser s’ils jugent que ce n’est pas ce qu’ils souhaitent.

    C’est donc dire que oui, on peut exiger un AVAC, refuser une induction (ou une césarienne planifiée), la stimulation artificielle du travail, la rupture des membranes, l’épisiotomie, la péridurale, le monitoring continu, le soluté, la ventouse, la césarienne, l’ocytocine artificielle pour l’expulsion du placenta. Oui, on peut demander à éviter l’aspiration systématique des sécrétions du bébé, le clampage précoce du cordon, les gouttes dans les yeux, l’injection de vitamine K, les tests sanguins, le bain, et même demander de conserver le placenta et d’en faire ce qu’on en désire.

    Attention! Refuser une intervention ou un médicament proposé par un médecin ou une infirmière ne rend pas la femme (ou le couple) irresponsable! Mais ce doit être une décision prise suite à une prise d’information complète et objective… De toute façon, aucun parent ne souhaiterait prendre de décision qui risquerait sa vie ou sa santé ou celles de son bébé. Cependant, la majorité du temps, les interventions ne sont pas obligatoires, encore moins urgentes et inévitables; il y a souvent des alternatives qui sont possibles et qui sont tout aussi valables… mais encore faut-il s’informer pour les connaître !

    De plus, refuser une intervention à un moment donné ne veut pas dire qu’on doit la refuser absolument par la suite… Parfois, demander à retarder une intervention peut faire une grande différence dans le déroulement des choses. Bref, tout n’est pas toujours noir ou blanc, oui ou non : ça pourrait être « peut-être », « je ne sais pas », « non merci pour le moment » ou « je vais y penser »!

  3. Le droit d’être accompagnée des personnes de votre choix

    Même si les hôpitaux ont des consignes et des protocoles pour limiter le nombre de personnes qui assistent à l’accouchement, sachez qu’il est dans votre droit d’inviter les personnes de votre choix à assister à la naissance de votre bébé. Il est certain qu’il faut tenir compte qu’un nombre élevé de gens risque de nuire au travail du personnel, et possiblement à votre calme et votre intimité, c’est donc essentiel d’y aller intelligemment! Mais on ne peut vous refuser la présence d’une accompagnante, de membres de votre famille ou de vos amis. Vous avez même le droit d’amener vos enfants plus jeunes pour assister à la naissance du bébé. Il est alors à considérer d’avoir une personne qui puisse s’occuper d’eux, et de préparer adéquatement les enfants à cet événement pour le moins impressionnant! Vous avez aussi le droit d’être accompagné d’une personne de votre choix pour une césarienne (à moins d’anesthésie générale).

    Dans la même ligne de pensée, vous avez le droit de refuser la présence d’étudiants ou de stagiaires dans la chambre. Vous pouvez aussi exiger que le personnel en place à l’arrivée de bébé soit limité, pour plus d’intimité.

  4. Le droit de vivre un travail et la naissance à votre rythme

    Votre accouchement, lorsqu’il ne comporte pas de situations d’urgence, est un événement que vous pouvez demander à vivre dans l’ambiance et le rythme qui vous conviennent. Un accouchement physiologique se déroule habituellement mieux lorsque la femme est dans sa bulle, à l’écoute de son corps et de ses besoins. Ainsi, vous pouvez demander à limiter le plus possible les interventions de l’extérieur pour rester dans un état propice à la production d’endorphines qui aideront au bon déroulement du travail.

    En plus de l’atmosphère calme et de l’intimité, vous pouvez demander à ce qu’on respecte le rythme naturel de l’accouchement. Ce n’est pas une course! À moins que le travail soit dystocique, c’est-à-dire qu’il ne progresse plus normalement, pas besoin d’intervenir pour l’accélérer : ça risquerait de le rendre plus difficile et plus douloureux, pour la mère comme pour le bébé! Et attention à la définition de « travail dystocique » souvent proposée : cela ne se calcule pas nécessairement pas en un nombre de centimètres de dilatation par période de temps donnée, mais par plusieurs signes pouvant indiquer s’il y a progression, même très lente, ou pas du tout. Finalement, vous avez tout à fait le droit de demander à respecter le rythme physiologique lors de la poussée (au lieu d’une poussée dirigée qui risque de ne pas respecter les sensations et étapes que vous vivrez), ainsi que pour la délivrance du placenta (qui peut se passer plusieurs minutes, voire 1h après la naissance, sans que cela cause problème, alors que les protocoles hospitaliers proposent parfois des interventions préventives précoces). Encore une fois, n’oublions pas qu’il faut s’informer correctement pour prendre des décisions éclairées!

  5. Le droit de boire et manger

    L’accouchement demande de l’endurance et un effort physique important, on pourrait souvent le comparer à un marathon. Qui aurait l’idée d’empêcher un marathonien de boire et de manger avant et pendant son épreuve! C’est pourtant ce que proposent encore certains protocoles ou certains membres du personnel hospitalier.

    Il faut savoir que la contrainte « rien par la bouche » avait été établie dans les années 1940 à cause du danger d’absorption du contenu de l’estomac par les poumons en cas d’anesthésie générale ; de nos jours, la césarienne sous anesthésie générale est rare et même dans un cas où elle est inévitable (échec de l’épidurale et de la rachidienne), le risque d’absorption du contenu de l’estomac reste particulièrement faible, mais si cela devait arriver, il serait probablement davantage nuisible que les poumons absorbent l’acide d’un estomac vide que les aliments que la mère aurait pu ingérer…

    Sachez donc écouter votre corps et grignoter au besoin, et vous hydrater tant que vous le sentirez nécessaire. Vous aurez ainsi l’énergie pour supporter le travail. Vous pouvez vous rassurer sur le fait que vous ne risquez pas plus de souffrir de vomissements : les études ont effectivement démontré que le taux de femmes en jeûne qui subissent des vomissements est le même que chez celles qui ont mangé et bu modérément pendant l’accouchement.

  6. Le droit de bouger et de choisir les positions qui vous conviennent

    Vous avez le droit de bouger et de prendre les positions que vous voulez au cours de l’accouchement, et de changer tant que vous le souhaitez. Même sous soluté ou sous monitoring, vous pouvez habituellement demander à avoir une certaine mobilité, à moins que des conditions médicales particulières imposent de rester au lit. Et encore, dans le lit, ce n’est pas obligatoire (ni même souhaitable) de rester étendue sur le dos!

    Pour la poussée aussi vous avez le droit de choisir comment vous placer, selon les positions qui vous viennent instinctivement. N’oubliez pas que pour le bon déroulement du travail et de la poussée, certaines postures, certains mouvements sont très favorisants, même si c’est moins pratique pour le médecin! Vous avez le droit d’exiger de vous placer comme bon vous semble même si on vous encourage à employer des positions plus « conventionnelles ». Vous pouvez choisir d’être à quatre pattes dans le lit, assis sur un banc de naissance, et même accroupie par terre si c’est ainsi que vous vous sentez bien!

  7. Le droit d’avoir votre bébé en peau à peau aussi longtemps que vous le désirez

    À moins que le bébé ait besoin de soins particuliers à la naissance, vous pouvez demander de le garder contre vous immédiatement et aussi longtemps que vous en avez envie! Les soins de base (observation de l’APGAR, aspiration des sécrétions, …) peuvent se faire directement pendant le peau à peau plutôt que sur la table chauffant. La pesée et les autres soins ne sont pas urgents et peuvent très bien attendre un peu plus tard!

    Le peau à peau dès la naissance est une façon merveilleuse d’aider le bébé à s’adapter au monde, en plus d’être judicieux pour le début de l’allaitement. En laissant le bébé se réconforter, se réchauffer et monter lui-même vers le sein, on met en place des conditions gagnantes pour la mise en place de l’allaitement, qui peut se faire dès que désiré, lorsqu’on sent que bébé y est réceptif.

  8. Le droit de cohabiter en tout temps

    Vous avez le droit de garder bébé à côté de vous dans la chambre, et ce, même si vous ne bénéficiez pas d’une chambre privée. Les conditions sont parfois plus difficiles lorsqu’on partage la chambre avec une autre maman et un autre nouveau-né, mais cela n’est pas une raison pour qu’on exige d’amener le bébé à la pouponnière. La cohabitation permet d’instaurer le lien d’attachement, de favoriser les débuts d’allaitement et permet aux futurs parents de s’adapter au nouveau rythme avec bébé, d’apprendre à se reposer en même temps que lui et à rester attentifs à ses besoins. Heureusement, cette pratique est de plus encouragée dans les hôpitaux, malgré que l’environnement physique demande encore parfois un peu d’adaptation pour la favoriser complètement.

  9. Le droit de demander des arrangements pour avoir la présence de son/sa conjoint/e en tout temps

    La plupart des établissements permettent au conjoint d’être présent en tout temps pendant le séjour postnatal. Vous pouvez demander également des arrangements pour qu’il puisse se reposer lui aussi en restant près de vous!

  10. Le droit de choisir le mode d’alimentation de bébé

    Vous avez droit de choisir le mode d’alimentation que vous voulez pour votre bébé, que ce soit l’allaitement ou la préparation commerciale donnée au biberon, sans qu’on vous juge ou qu’on vous fasse des remarques désagréables à propos de votre décision. Le personnel pourra vous donner de l’information pour s’assurer que vous fassiez un choix éclairé; s’il est déjà fait dans votre cas, n’hésitez pas à être ferme sur vos intentions et à demander à ce qu’on les respecte.

    Cela implique qu’une mère choisissant l’allaitement exclusif a le droit d’allaiter à la demande, sans qu’on la force à opter pour un horaire fixe (ça pourrait être également le cas avec l’alimentation au biberon). Cela veut aussi dire que la mère peut refuser qu’on donne des suppléments à son bébé, surtout sans son consentement, par exemple si le bébé doit être à la pouponnière ou s’il est temporairement séparé de la mère, comme après une césarienne.

    De plus, cela implique que vous avez le droit d’avoir de l’aide compétente pour vous aider, au besoin, avec le mode d’alimentation choisi. Par exemple, en cas de difficulté avec l’allaitement, vous pouvez demander une infirmière suffisamment formée pour vous assister adéquatement, ou alors vous avez le droit de demander le recours à une marraine d’allaitement, une consultante en lactation ou un autre professionnel qui saura vous outiller de façon à respecter votre choix d’allaiter.

  11. Le droit de ne pas être dérangée par les routines hospitalières

    Lors du séjour postnatal à l’hôpital, la plupart des femmes ont à composer avec les routines du personnel hospitalier. Selon la perception de chacun, ces routines de soins et d’interventions diverses peuvent être rassurantes ou très dérangeantes. Sachez qu’en tout temps, vous avez le droit de demander à avoir le repos et l’intimité dont vous avez besoin, ce qui implique que vous n’avez pas à suivre absolument les protocoles de façon rigide, selon l’horaire parfois peu opportun qui va avec. L’idée ici n’est pas de nuire au bon travail des infirmières et des autres professionnels en place, mais que vos besoins à vous soient aussi respectés!

  12. Le droit de quitter l’hôpital au moment qui vous convient

    Sachez que vous n’avez pas à respecter la règle du « 48h » de séjour à l’hôpital ou le protocole en place dans l’établissement où vous accouchez. Si vous désirez retourner à la maison, peu importe le laps de temps s’étant écoulé depuis la naissance du bébé, c’est dans votre droit de le faire et ce, même si le congé n’a pas été signé par un professionnel. On vous fera alors possiblement signer un formulaire pour décharger l’hôpital de toute responsabilité suite à cette décision; ne voyez pas là une contre-indication automatique! Si votre choix résulte d’une décision éclairée, si vous et votre bébé êtes en santé, suite à un accouchement sans complications, c’est une pratique qui ne présente pas de risques particuliers; après tout, c’est la façon courante d’agir en maison de naissance! Les portes de l’hôpital ne vous seront pas fermées, au besoin, suite à ce congé précoce!

En conclusion

Même si la plupart des droits des femmes enceintes et qui accouchent sont de plus en plus pris en compte dans les établissements qui favorisent l’humanisation des naissances, il se peut que les protocoles hospitaliers ou les façons de faire de certains professionnels aillent à l’encontre de ceux-ci et que vous ayez besoin d’en faire la demande. Si vous jugez que ces droits pourraient vous amener à vivre une grossesse et une naissance plus sereine, plus humaine, plus épanouissante, n’oubliez pas de les faire respecter si ce n’est pas chose acquise à l’endroit où vous accouchez. Il ne s’agit pas là de caprices et personne ne devrait les traiter comme tel. La naissance d’un bébé est un événement exceptionnel et c’est la moindre des choses qu’on permette aux parents de la vivre le plus près possible de leurs valeurs, de leurs besoins et de leurs souhaits!
N’oubliez pas que les éducatrices en périnatalité et accompagnantes à la naissance sont des ressources qui peuvent vous aider à mieux connaître vos droits, à vous donner la confiance et à vous donner des ressources pour les faire respecter.

Karine Murphy, accompagnante à la naissance et collaboratrice précieuse du Karma Boréal

Références :
http://www.aspq.org/DL/Depliantdroitscouleur.pdf
http://www.aspq.org/DL/csection.pdf
http://www.helenevadeboncoeur.com/les-droits-des-femmes-lors-de-laccouchement
http://www.groupemaman.org/manifeste/contenu2.php
http://www.passeportsante.net/fr/actualites/nouvelles/fiche.aspx?doc=2002061201

Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans, Institut national de santé publique du Québec, 2010.