Parlons de la péridurale

Parlons de la péridurale

La péridurale… que penser de cette intervention? Est-ce une panacée, invention salvatrice et providentielle, ou alors une découverte pernicieuse dont on doit à tout prix se méfier?  Et si ce n’était ni tout blanc, ni tout noir, et qu’il y avait à la fois des avantages et des inconvénients à considérer? Voici un petit tour d’horizon pour vous permettre de prendre connaissance des pour et des contre de la péridurale, puisque c’est la clé pour pouvoir prendre des décisions éclairées!

Qu’est-ce que la péridurale?

La péridurale, aussi appelée épidurale, est une technique d’anesthésie qui consiste à insérer un cathéter dans la colonne vertébrale, plus spécifiquement dans l’espace péridural (d’où son nom!) entre la 4e et la 5e vertèbre, par lequel on administre un médicament anesthésiant. De cette façon, le bas du corps de la femme se trouve insensibilisé, de la poitrine jusqu’aux orteils, ce qui  amène le soulagement des douleurs dues aux contractions.

Quels sont les effets de la péridurale?

Bien sûr, la conséquence #1 de la péridurale est de soulager la douleur. C’est là l’objectif de son utilisation, non? En ne s’en tenant qu’à ce point, on est déjà en présence d’un débat : la douleur a-t-elle une signification dans le sacré de la naissance ou devrait- on l’éliminer autant que possible pour le bénéfice de la femme? Il s’agit là d’une question philosophique dont il n’existe aucune bonne réponse autre que celle qui répond aux valeurs personnelles; il est bon d’en tenir compte dans sa prise de décision, mais aussi des autres facteurs qu’amène ou non la mise en place de la péridurale.

Si l’intervention en question inhibe la douleur des contractions, il est aussi vrai qu’elle en fait autant du processus physiologique de l’accouchement. Ainsi, on sait que la péridurale interfère avec la production d’hormones naturelles du travail régissant le bon fonctionnement de l’accouchement :

  • Diminution de la production de l’ocytocine naturelle : c’est l’hormone qui provoque et stimule les contractions. La diminution d’ocytocine peut donc amener un ralentissement ou un arrêt du travail. C’est également une hormone essentielle à la délivrance du placenta. L’ocytocine est de plus reliée au lien d’attachement; c’est donc dire que sa diminution peut avoir un impact négatif sur l’établissement de la relation entre la mère et le bébé.
  • Diminution de la production de prostaglandine, une hormone qui influence elle aussi les contractions utérines.
  • Diminution des endorphines : ce sont les hormones favorisant le soulagement naturel de la douleur. Si on en a moins et qu’on est anesthésié, c’est un moindre mal, pourrait-on penser; par contre, on doit aussi penser au bébé qui ne bénéficie pas des effets de l’anesthésie et qui perd les méthodes naturelles pour l’aider à traverser les contractions. Les endorphines permettant aussi la connexion de la mère avec son instinct, leur diminution peut l’amener à être moins à l’écoute des besoins physiologiques de son corps qui accouche (les mouvements, les respirations, les sons, etc.)
  • Diminution de l’adrénaline : cette hormone est particulièrement utile lors de l’expulsion du bébé, là où la mère a besoin d’énergie et de force pour l’aider à venir au monde malgré l’épuisement.

 

Autres que les hormones, d’autres éléments physiologiques sont affectés par la péridurale :

  • Les muscles du plancher pelvien servant à aider bébé à se placer correctement étant anesthésiés, ils ne peuvent plus faire leur travail correctement et cela résulte souvent en un mauvais positionnement du bébé, ce qui peut nuire au déroulement de l’accouchement;
  • Le réflexe naturel de poussée peut être entravé par l’anesthésie;
  • La mère peut voir sa tension artérielle chuter : pour prévenir, on administre un soluté à la mère, mais le risque reste quand même présent. Le résultat d’une chute de pression peut être  des faiblesses, une diminution de l’apport sanguin au bébé et, de façon plus rare, un arrêt cardiaque chez la mère;
  • Les risques de fièvre chez la mère sont plus élevés;
  • L’obligation pour la mère de rester en position couchée.

 

Sachant que la péridurale interfère à ce point avec le processus physiologique de l’accouchement, cela permet de comprendre les autres effets négatifs qui peuvent en découler :

  • Hausse de l’utilisation d’instruments lors de la phase d’expulsion et poussées plus longues : puisque les hormones et le réflexe nécessaires sont lacunaires pour la poussée, on doit plus souvent intervenir avec la ventouse (ou les forceps) pour aider bébé à sortir, ce qui peut aussi causer du tort au bébé;
  • Hausse de l’usage d’ocytocine synthétique (ce qu’on appelle Syntocinon ou Pitocin) : pour contrer le ralentissement ou l’arrêt de travail, on doit induire artificiellement. Il faut mentionner que l’utilisation de ces hormones synthétiques amène notamment une augmentation des risques de détresse fœtale, due au fait que le bébé a du mal à tolérer des contractions plus fortes que celles produites par les hormones naturelles;
  • La position couchée peut avoir pour effet de diminuer l’apport en oxygène au fœtus, en plus de nuire à son bon positionnement;
  • La fièvre de la mère augmente chez le bébé les risques de convulsions, de dommages cérébraux, de septicémie, de réanimation et amène en moyenne un score d’APGAR plus faible.

 

Quant à la hausse du risque de césarienne, les études qui tendent à valider ou invalider ce fait sont plutôt controversées. Sachant que généralement, plus on intervient, plus le risque de césarienne augmente, la logique nous dirait que la péridurale peut participer à élever ce risque; espérons que les études futures sur la question nous amèneront un éclairage plus probant.

 

La péridurale compte également plusieurs effets secondaires mineurs, qui sans être dangereux, peuvent perturber la mère et affecter son expérience d’accouchement et l’après-accouchement :

  • Démangeaisons parfois intenses;
  • Tremblements;
  • Incapacité d’uriner (ce qui amène souvent l’utilisation du cathéter urinaire);
  • Sudation;
  • Nausées, vomissements (qui peuvent mener à la déshydratation dans des cas extrêmes);
  • Monitorage continu;
  • Présence d’une infirmière dans la chambre en permanence;
  • Plus rarement : convulsion, somnolence, incohérence chez la mère;
  • Maux de dos, maux de tête dans les semaines et mois suivant l’accouchement;
  • Engourdissements ou faiblesses à long terme.

 

La péridurale peut avoir des risques beaucoup plus sévères. Bien qu’ils soient extrêmement rares, il est important d’en tenir compte :

  • Difficultés respiratoires chez la mère
  • Hémorragies post-partum
  • Arrêt cardiaque ou respiratoire pouvant mener à la mort
  • Abcès péridural pouvant causer la paraplégie.

 

On ne peut passer sous silence les possibles effets de la péridurale sur le bébé. Le médicament injecté pour l’anesthésie traverse la barrière placentaire, le bébé en reçoit donc aussi une certaine dose. Outre les conséquences qui ont été mentionnées plus haut, ajoutons la hausse des difficultés d’allaitement, qui peut s’expliquer à la fois par le déroulement de l’accouchement, la diminution des hormones en jeu et du réflexe de succion, l’état général du bébé pouvant avoir été affecté par la médication. Des études controversées ont aussi exposé le fait que pendant leurs premières semaines, les bébés nés sous péridurale étaient en moyenne plus difficiles, plus dérangés et pleuraient plus que ceux nés sans médication.

Le dernier effet que je souhaite mentionner est non négligeable : dans 5 à 20% des cas, la péridurale apporte un soulagement incomplet ou absent de la douleur. Pour une mère qui décide d’opter pour cette intervention pour supprimer son mal, cela peut devenir très décevant, frustrant et décourageant lorsqu’elle n’est pas efficace.

Si la liste qui précède a de quoi faire peur ou inquiéter, il faut aussi savoir que plusieurs mères ont reçu la péridurale sans connaître d’effets négatifs, ou alors très peu. La plupart des professionnels parlent de la péridurale comme d’une intervention sécuritaire, et si effectivement elle s’avère comme telle la plupart du temps, cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas être informé des inconvénients possibles! Il peut être pertinent de révéler aussi que des études ont rapporté qu’en moyenne, les femmes ayant accouché sous péridurale ne sont pas plus satisfaites de leur expérience d’accouchement que celles qui ne l’ont pas reçue; la suppression de la douleur n’est donc généralement pas le facteur qui fera en sorte qu’une femme aura apprécié son expérience ou non…

Quels sont les avantages de la péridurale?
Quoiqu’on en dise, il est impossible de nier que la péridurale peut avoir des bienfaits dans certains cas :

  • Lors d’accouchement très long et difficile, la péridurale peut conduire à un repos bénéfique, qui permettra de reposer un utérus trop tendu pour bien se dilater, et ramener à une mère épuisée (et au bébé par le fait même) un apport en oxygène dont elle était privée à cause de l’essoufflement, le stress, la tension, … ;
  • La péridurale peut devenir indispensable lorsque la mère présente des conditions médicales particulières qui l’empêchent de fournir un effort violent et de forcer;
  • L’anesthésie peut avoir un effet positif sur certains blocages pendant l’accouchement, que ce soit au niveau émotif ou physique.

 

Il faut aussi mentionner que l’un des avantages certains de la péridurale concerne le personnel médical : en effet, cela permet aux intervenants d’œuvrer dans une atmosphère plus calme, plus « contrôlée »; leur travail devient la surveillance plutôt que l’assistance à une femme qui souffre. Comme la majorité du temps, le personnel n’est justement pas formé pour accompagner une femme en douleur, cela peut donc s’avérer très rassurant d’être en présence d’une femme qui en est soulagée…

En conclusion

Que retirer alors de ces faits? C’est à chacune d’en décider! Je pense qu’il serait malheureux de porter un jugement sur une femme qui opte pour la péridurale en toute connaissance de cause (mère indigne qui fait courir des risques à elle-même et à son bébé?), tout comme il serait déplorable de juger d’une mère qui souhaite s’en passer à tout prix (quelle grano masochiste!). Chacune, avec ses valeurs, ses ressources et ses besoins, doit faire les choix qui lui conviennent, de façon réfléchie et éclairée.

Ceci dit, il est toujours bon de relativiser. La femme qui souhaitait de prime abord recevoir la péridurale le plus tôt possible, par peur de la douleur, aurait tout intérêt à tenir compte des effets potentiels de cette intervention, de s’outiller aussi autrement et d’attendre de vivre le moment avant de prendre une décision : et si, au bout du compte, elle n’en avait pas besoin? De son côté, la future mère qui ne veut pas du tout entendre parler de péridurale gagnerait à s’informer tout de même, parce qu’on ne sait jamais comment les événements peuvent tourner.

Finalement, existe-t-il des alternatives à la péridurale? Bien sûr! D’abord, on peut mentionner que même si on opte pour la médication, on peut toujours diminuer les risques en demandant un plus faible dosage (ou de la cesser au besoin). Je pense qu’il serait aussi grandement appréciable que la demande de médication vienne toujours de la mère, plutôt que l’offre provienne de l’extérieur. Quand on est en situation vulnérable, c’est facile de dire « oui » à la première solution offerte; si cette solution était tout autre, cela changerait certainement le déroulement de bien des accouchements! En outre, l’accompagnement est réputé pour réduire le recours à la péridurale (de 60%, ce n’est pas rien!), cela peut-être une option à envisager.  Il existe une panoplie d’autres méthodes de soulagement de la douleur enseigner et utiliser par l’accompagnante.

 

Références :
http://www.mamancherie.ca/fr/info/documents/risquesperidurale-Buckley.pdf
http://www.aspq.org/view_bulletins.php?id=53&article=262
http://fr.wikipedia.org/wiki/Anesth%C3%A9sie_p%C3%A9ridurale
http://www.atlasducorpshumain.fr/Grossesse/Peridurale/7/144
http://www.alternatives.be/fiches/peridurale.htm